Tout ce que vous devez savoir sur la farine de blé

Savez-vous réellement comment est fabriquée la farine ? Pourquoi parle-t-on de blés anciens et modernes ? Est-il encore possible de trouver une farine contenant du gluten digeste ? Cet article vous permettra de répondre à ces questions.

Qu’est-ce que la farine de blé ?

La farine est obtenue grâce à la mouture du blé tendre (le blé dur, lui, est destiné à la fabrication de semoule ou de pâtes).

La mouture consiste à faire passer les graines entre des paires de cylindres cannelés, de plus en plus rapprochés. Le blutage permet ensuite d’extraire le germe ou le son du blé, pour obtenir des farines plus ou moins complètes.

On retrouve 6 types de farine : T45, T55, T65, T80, T110, T150.

La lettre T correspond au taux de cendres de la farine. Pour le mesurer, on fait chauffer 100g de farine à 900°C pendant 2h, puis on pèse les cendres, qui sont principalement composées de l’enveloppe du grain. S’il reste 0,55 g de cendres après combustion, la farine sera T55. Ainsi, plus le type de farine est bas, plus la farine est blanche.

Les appellations sur les paquets

Les dénominations fleurissent sur les paquets, et nous sommes parfois un peu perdus. Voici les principaux noms que vous pourriez être amenés à rencontrer :

- “farine de froment” = il s’agit d’un synonyme du blé tendre
- “farine de gruau” = il s’agit d’une farine plus riche en gluten, et de type 65 maximum
- “farine supérieure” ou “fleur de farine” = pas de valeur juridique
- “farine fluide” ou “sans grumeaux” = farine de froment constituée de particules de taille plus homogène grâce à un processus de tamisage
- “préparations pour…” = farine ou mélange de farines + autres ingrédients (ex : graines, fruits secs, matières grasses et /ou sucrantes, …) et/ou additifs et auxiliaires technologiques.

Seuls la farine de blé malté, de fèves et de soja, les enzymes, et le gluten sont autorisés en tant qu’additifs, et sont obligatoirement indiqués dans la liste des ingrédients.

Les enjeux de la culture de blé tendre

L’importance du marché

Les parcelles de culture du blé tendre représentent 10% de la surface totale de l’hexagone. La France est la 1ère productrice européenne et la 5ème productrice mondiale. Il faut donc assurer cette place.

Pour ce faire, la filière utilise beaucoup de pesticides : 94% des semences étaient traitées avec des produits phytopharmaceutiques en 2017 (derniers chiffres communiqués). En moyenne, trois traitements sont appliqués. S’ajoutent à cela les méthodes de culture, comme le labour qui perturbe l’équilibre des sols, les machines lourdes comme les tracteurs qui les tassent, ou la mise à nu des terres entre juillet et octobre qui appauvrissent les sols.

La culture du blé conventionnelle menace donc tout notre écosystème.

Les mycotoxines

Les mycotoxines sont des toxines produites par certaines espèces de moisissures qui se développent en particulier sur les céréales. Pour le blé tendre, elles se divisent en deux catégories : les mycotoxines du champ (le Trichothécènes B et le Zéaralénone) et les mycotoxines de stockage (Ochratoxine A).

Selon l’ANSES :  “L'exposition répétée à de faibles doses, voire très faibles doses (effets chroniques), est la plus redoutée pour l’être humain, en raison des habitudes alimentaires ainsi que du pouvoir de persistance de ces toxines.”

Les normes sanitaires françaises et européennes assurent une bonne protection contre ces toxines. Cependant, il est tout de même possible de voir apparaître certaines mycotoxines, et les rappels de farines dans les rayons des supermarchés (bio inclus), sont fréquentes.

La sélection des variétés

Pendant des millénaires, les semences ont été le résultat du travail des paysans. Ces derniers ont patiemment cultivé, testé et sélectionné les plantes qui répondaient à leur critères. C’est au XXe siècle qu’apparait la profession de semencier.

Si le geste premier du paysan est de faire sa semence, aujourd’hui, seule une poignée d’entre eux opère un véritable travail de sélection et travaille de manière totalement autonome de ses propres variétés.

Il existe près de 300 variétés de blé tendre, et pourtant, 10 variétés dominent 50% du marché. Comment l’expliquer ?

Jusqu’en 2016, la culture de semences non enregistrées au “catalogue officiel des espèces et variétés” était interdite.

Elle est désormais autorisée, mais la réglementation est très contraignante : l’inscription au catalogue est accordée par le Comité technique permanent de la sélection (CTPS) et l’agriculteur doit avoir un Certificat d’obtention végétale (COV), un genre de brevet industriel qui coûte très cher.

Ce modèle a été créé par l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économiques) pour ouvrir le marché, mais a plutôt favorisé les grands semenciers qui détenaient les ressources financières, mais pratiquaient aussi du lobbying auprès de l’organisation. Rappel : aujourd’hui, plus de la moitié du marché mondial des semences est contrôlé par 3 multinationales : Monsanto, DuPont et Syngenta.

Comment les semenciers agissent-ils ?

Tout d’abord, ce sont eux qui sont responsables de la rédaction des règles de certification que les gouvernements et le CTPS utilisent afin d’autoriser ou non la culture d’une semence. Libre à eux, donc, d’écrire à leur avantage les normes.

Ensuite, via les organisations internationales comme le CGIAR (Consultative Group on International Agricultural Research), ils étendent ces règles à une très grande partie des pays du monde, en utilisant comme prétexte “l’harmonisation commerciale et de la mise en place de normes internationales”.

Enfin, lorsque les pays sont réticents, les semenciers n’hésitent pas à pratiquer le chantage : les gouvernements ne recevront des aides financières au développement qu’après avoir adhéré aux normes imposées.

Voilà donc pourquoi la diversité des semences a fortement diminué au cours des dernières dizaines d’années.

Les OGM cachés

Rappel : un OGM est, d’après la directive 2001/18/CE du Parlement Européen :

“un organisme à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle”

En France, la dissémination volontaire d’OGM est interdite sans autorisation, et si OGM il y a, la mention sur l’emballage est obligatoire. Il n’existe d’ailleurs qu’un pays qui autorise les OGM de blé : l’Argentine.

Or, cette directive ne s’applique pas à deux procédés d’hybridation très répandus : la mutagénèse et la fusion cellulaire. Par exemple, la mutagénèse consiste à provoquer une mutation génétique en soumettant des cellules à l’irradiation où à l’action de produits chimiques, pour les rendre tolérantes à certains produits. Résultat : 7 des 10 variétés de blé tendre cultivées en France sont résistantes au chlortoluron, un herbicide.

Les dix variétés les plus cultivées (les variétés surlignées sont résistantes au chlortoluron)
Rubisko (RAGT), Cellule (Florimond Desprez), Apache(LG),  Arezzo (RAGT), Boregar (RAGT), Pakito (RAGT), Trapez (Unisigma), Bergamo (RAGT), Oregrain (Florimond Desprez), Expert (Syngenta)

La modification du blé :

Le blé est une plante polyploïde, ce qui implique que, lors des croisements, le génome complet de la plante se duplique. Voilà pourquoi, lors des premières modifications de l’engrain sauvage (il y a environ 10 000 ans) qui avait 14 chromosomes, on a obtenu un blé dur à 28 chromosomes. Le blé tendre apparaît par la suite, avec 42 chromosomes.

C’est lors de la Révolution Verte, dans les années 50-60, que le blé va se transformer à une vitesse exponentielle. Elle se caractérise d’ailleurs par la sélection de variétés à hauts rendements, l’utilisation de pesticides et la mise en valeur de l’irrigation.

Norman Borlaug, lors de la création du CIMMYT (Centro Internacional de Mejoramiento de Maíz y Trigo) est engagé en 1945 pour étudier les blés. Le but : aider les pays pauvres et leurs paysans à sortir de la misère.

Il réunit 5000 variétés, tente plus de 40 000 croisements et hybridations, et arrive finalement à offrir aux cultivateurs mexicains deux variétés à hauts rendements, supportant la sécheresse et de fortes doses d’engrais azotés. Ces semences seront ensuite exportées en Inde, au Pakistan, puis dans le monde entier, et subiront d’autres modifications.  

Ces blés, obtenus par rétrocroisement, ne sont pas considérés comme des OGM. Cependant, tout comme dans ces derniers, 5% du génome du blé (très souvent les protéines du blé, le gluten) obtenu est imprévisible.

Or, comme cette technique paraissait sans risque, peu d’études ont été réalisées sur sa toxicité.

La toxicité de ces blés n’est pas le seul problème : en plus de l’uniformisation des graines et des des blés, ces plantes ont des racines plus courtes, ce qui leur empêche d’accéder aux nutriments de la terre. Voilà pourquoi elles ont besoin de plus d’engrais et d’irrigation. Elles ne peuvent s’adapter au milieu et perdent leurs qualités dues à l’hybridation lorsqu’elles sont ressemées.

Les paysans sont donc obligés de retourner auprès des semenciers pour acheter de nouveau des graines.

“Les semences ne sont pas des amas de gènes manipulables à loisir, mais la promesse de nouvelles vies que la terre reçoit comme on accueille un enfant.” — Guy Kastler

Les antinutriments du blé

Mise en contexte de Raymond Peat :

“ Le problème avec n'importe quel type de graine est qu'elle contiendra certaines substances qui permettent de garder ses protéines dans une forme de stockage. C'est le cas du gluten.

Si une personne a déjà des soucis à contrôler son niveau d'oestrogènes, elle sera prédisposée à réagir violemment au gluten. En effet, la séquence d'acides aminés que l'on retrouve dans le gluten existe également dans notre. propre production de protéines lorsqu'elles sont stimulées par les œstrogènes

Toutes les graines représentent la future génération de la plante, et la plante y met ses toxines les plus puissantes, son meilleur système de défense face aux animaux. Les enzymes de défense de celle-ci ne vont pas empiéter sur le métabolisme de la plante elle-même, mais viendront faire comprendre au métabolisme de l'animal qui les consommera, qu'il évitera de l'ingérer la prochaine fois.

Les plantes "doivent" être toxiques, car elles n'ont pas la possibilité de combattre ou de courir. Elles utilisent donc une défense d'ordre chimique qu'il ne faut pas négliger !"

Les labels

On trouve deux labels principaux en ce qui concerne la farine : le label rouge, et l’eurofeuille européen pour l’agriculture biologique.

Le Label Rouge

Il existe en réalité cinq dénominations label rouge pour la farine de blé : “farine de meule”, “farine de froment”, “farine pour pain de tradition française”, “farine panifiable pour pain courant” et “farine T45 pour pâtisserie” .

Seules deux de ces appellations sont destinées au consommateur “lambda”, les autres étant plutôt vendues aux professionnels comme les boulangers ou les industriels. Nous nous intéresserons donc simplement aux dénominations “farine de meule” et “farine T45 pour pâtisserie”.

En soi, la différence entre les différents labels n’est pas grande : les différences viennent surtout des variétés de blés utilisés, mais aussi de l’organisme demandant la certification.

Toutes les graines représentent la future génération de la plante, et la plante y met ses toxines les plus puissantes, son meilleur système de défense face aux animaux. Les enzymes de défense de celle-ci ne vont pas empiéter sur le métabolisme de la plante elle-même, mais viendront faire comprendre au métabolisme de l'animal qui les consommera, qu'il évitera de l'ingérer la prochaine fois.

Les points à retenir quant aux garanties des labels rouges sont :

- une sélection de blé limitée à la liste des variétés recommandées par l’ANMF (l’Association Nationale de la Meunerie Française), soit une quinzaine de variétés.
- l’absence d’insecticides, mais seulement après la récolte.
- la réduction des auxiliaires techniques utilisés au gluten de blé, à la farine de malt d’orge et aux enzymes Alpha Amylases Aspergillus Niger et Aspergillus Orizae.
- l’interdiction d’épandage de boues des stations d’épuration alentour, ce qui assure une moindre exposition aux polluants, perturbateurs endocriniens et microplastiques divers.

Notons tout de même que l’utilisation de pesticides chimiques de synthèse est autorisée.

Le Label Biologique

La culture du blé ne fait pas l’objet d’obligations spécifiques, mais doit répondre aux principes du règlement CE 834/2007, comme, par exemple,

- préserver et développer la vie et la fertilité naturelle des sols, leur stabilité et leur biodiversité,
- prévenir et combattre le tassement et l'érosion des sols et nourrir les végétaux principalement par l'écosystème du sol,
- réduire au minimum l'utilisation de ressources non renouvelables et d'intrants ne provenant pas de l'exploitation,
- recycler les déchets et les sous-produits d'origine végétale ou animale comme intrants pour la production végétale ou animale.

Quelques conseils pour faire votre choix et orienter votre consommation

Il pourrait être bénéfique, surtout si vous avez du mal à digérer les farines de blé “moderne”, modifié, de vous tourner vers des farines sans gluten : pensons à la farine de patate douce, de sarrasin , de coco (celle-ci est équitable et approuvée par One Voice), de châtaigne, à la masa harina (Rémi y a dédié quelques lignes dans son article sur l’eau de chaux !) ou de riz pour varier les goûts.

Si vous souhaitez tout de même utiliser une farine avec gluten, plus facile pour les pâtes levées, par exemple, vous pourriez vous tourner vers de l’épeautre ou du petit épeautre, au type le plus faible possible et dans l’idéal, non-hybridé et bio.

Méfiez-vous des farines qui vantent leur origine française sans être labellisées bio. Comme nous l’avons vu, l’origine ne fait pas tout.

Plus généralement, il serait intéressant de réduire votre consommation de blé non-fermenté, afin de privilégier du pain au levain, par exemple, mais aussi d’autres sources de glucides bien plus digestes et plus riches en micronutriments, comme les pommes de terre, les fruits mûrs, le miel...

Zélie Bourez

rédactrice
lire plus
Vous pourriez aussi être intéressé…
Guide pour choisir son vinaigre
zélie bourez

Savez-vous comment se fabrique le vinaigre ? Quels sont les différentes sortes qui existent ? Leurs labels sont-ils fiables ? Ont-ils des vertus différentes ? Cet article est là pour répondre à toutes ces questions, afin de vous orienter facilement dans le choix de ce condiment, pour que vos courses ne tournent pas au vinaigre.

Le discernement : la science du résilient
Hugo martinez

Si nous ne voulons pas subir les assauts permanents et les pièges de la vie moderne, mieux vaut utiliser ses capacités de discernement. Comment les renforcer ? Je vous propose le fruit de ma compréhension actuelle.