Plantes adaptogènes : contexte historique du concept

Une plante adaptogène se définit généralement comme une espèce végétale qui permet de mieux lutter contre le stress. Leurs actions se basent sur la compréhension du syndrome d'adaptation générale proposé par Hans Selye. L’évolution des définitions permet de structurer le terme, le différenciant parfois de ses soi-disant semblables. Qu'est-ce réellement qu’une plante adaptogène ?

Hans Selye et le SGA

La résistance au stress et la survie dépendent de l'adaptabilité et des seuils de tolérance d'un organisme à un niveau de stress donné. Une exposition modérée répétée, ou de faibles doses de stress, induit une résistance accrue des cellules à une exposition ultérieure, entraînant une adaptation qui favorise la survie.

Ce phénomène d'adaptation au stress répétitif de bas niveau a été élucidé pour la première fois par Hans Selye en 1936. Dans sa lettre historique à Nature, l’endocrinologue hongrois décrit une triade de symptômes : une hypertrophie surrénale, une ulcération gastro-intestinale et une atrophie du thymus, qui, selon lui, étaient provoquées par de multiples agressions biologiques.

Selye formule ainsi le syndrome d'adaptation générale (SGA), qui résume sa thèse fondamentale, selon laquelle les défis biologiques ont été surmontés de manière prévisible, progressant à travers un schéma aux mêmes phases séquentielles : première alarme, résistance, puis si nos ressources s’amenuisent au fil du combat (physique ou psychique) trop exigeant, épuisement.

Selye a déployé un terme d'ingénierie pour décrire la réponse de l'animal à une telle perturbation et définit le stress comme « non - réponse spécifique du corps à toute demande qui lui est faite » (Selye, 1956).

Il est intéressant de relever que certains psychologues interprètent la réponse au stress comme étant principalement un événement cognitif, découlant directement «d'un décalage entre la perception qu'ont les individus des exigences de la tâche et leur perception de leurs ressources pour y faire face » (Stokes & Kite, 2017).

Au cœur de ces débats, se trouverait l'origine du signal non identifié responsable du déclenchement initial de la réponse d'alarme, le soi-disant premier médiateur. Ce bras de fer a été discuté dans un des cours écrits du module 6 de notre formation.

Il est important de maîtriser les bases de la définition du syndrome d’adaptation générale, puisqu'il est le socle précurseur des diverses définitions des adaptogènes proposées au fil du temps.

Adaptogènes : évolution des définitions

Le terme adaptogène a été proposé pour la première fois en 1940 par un scientifique de l'URSS, N. Lazarev. En ces temps de guerre, le gouvernement russe mène des études visant à dénicher des substances végétales naturelles pouvant avoir le potentiel de soutenir les hommes sur le plan physique et psychologique.

Lazarev explique alors que certains composés et extraits d'herbes, appelés adaptogènes, pourraient prolonger la durée de la résistance non spécifique au stress et diminuer l'ampleur de la phase d'alarme. Dès lors, les adaptogènes ont été définis comme des composés non toxiques pourvus de mécanismes d'actions polyvalents et ayant des effets pharmacologiques liés à l'adaptabilité et à la survie.

Selon la définition principale des adaptogènes, ces substances doivent répondre à trois critères:

‣ Les adaptogènes doivent être non spécifiques et doivent aider le corps humain à résister à un large éventail de conditions défavorables, telles que les stress physique, chimique ou biologique. Ceux-ci peuvent inclure la pollution environnementale, les radiations, les maladies infectieuses, etc.
‣ Les adaptogènes doivent maintenir l'homéostasie chez l'homme, c'est-à-dire que ces substances ont la capacité de compenser ou de résister aux troubles physiques causés par un stress externe.
‣Les adaptogènes ne doivent pas nuire aux fonctions normales du corps humain.

En 1969, Brekhman (un ancien élève de N.Lazarev) et Dardymov continuent d’enrichir la définition des adaptogènes d'origine végétale. Selon leurs avancées, les adaptogènes répondent désormais à quatre critères :

‣ premièrement, les adaptogènes d'origine végétale doivent réduire les dommages causés par les états de stress, tels que la fatigue, l'infection et la dépression;
‣ deuxièmement, les adaptogènes d'origine végétale doivent avoir des effets excitateurs positifs sur le corps humain;
‣ troisièmement, contrairement aux stimulants traditionnels (nous y reviendrons), les effets excitateurs produits par les adaptogènes d'origine végétale ne doivent pas provoquer d'effets secondaires tels que l'insomnie, une faible synthèse protéique ou une consommation d'énergie excessive;
‣ quatrièmement et communément aux définitions ultérieures, les adaptogènes d'origine végétale ne doivent pas nuire au corps humain.

En résumé, Brekhman (1980) décrit l'effet adaptogène comme un renforcement de l'adaptation physiologique. Précisons d’ailleurs que l'étymologie du terme “adaptogène” provient de “gène” qui signifie “qui génère” et “adapto” qui signifie “l’adaptation”.

Or, les divers termes énoncés dans ces définitions manquent de précision et permettent difficilement de cerner les réels mécanismes d’action mis en jeu. Continuons notre avancée dans la frise chronologique des découvertes.

Dans les années 1990, un groupe de scientifiques, composé de Hildebert Wagner, George Wikman et Alexander Panossian, a réalisé de nombreuses études sur le sujet et proposé la définition suivante: les adaptogènes sont des biorégulateurs naturels qui augmentent la capacité à adapter les facteurs environnementaux et à éviter les dommages causés par ces derniers.

En effet, les adaptogènes ont pour avantage de minimiser la réponse corporelle au stress, de réduire les réactions négatives pendant la phase d'alarme et d'éliminer, ou du moins de diminuer, le début de la phase d'épuisement conformément aux appellations établies par le syndrome d'adaptation générale.

Pendant plus d'un demi-siècle, le concept d'adaptogènes a été continuellement modifié et perfectionné. En 1998, l'American Food and Drug Administration (FDA) a défini un adaptogène comme un nouveau type de régulateur métabolique dont il a été prouvé qu'il aide à l'adaptation environnementale et à prévenir les dommages externes.

Plus récemment, le mot «adaptogène» a été utilisé comme terme fonctionnel par certaines autorités sanitaires (voir les travaux de Panossian sur différentes années).

Enfin, une revue préliminaire des études sur les adaptogènes résume, à l’appui de ses recherches, la compréhension suivante : des herbes qui peuvent, de manière non spécifique et non toxique, aider le corps humain à résister au stress environnemental pour maintenir une homéostasie.

Aujourd’hui, la notion d’"adaptogène” est reconnue par l’EMA (Agence Européenne des Médicaments) et par la FDA (Food and Drug Administration).

Les différentes catégories d’adaptogènes :  

Yance, un phytothérapeute américain, a estimé que les adaptogènes peuvent améliorer notre capacité à reconnaître, répondre, récupérer et restaurer, ou régénérer. Il a divisé les adaptogènes en trois catégories :  les adaptogènes primaires, les adaptogènes secondaires et les compagnons adaptogènes, sur la base de son expérience clinique.

Les adaptogènes primaires sont conformes à la définition traditionnelle en répondant à des critères spécifiques, notamment le fait que de nombreuses recherches scientifiques ont pu confirmer leurs caractères adaptogènes ou encore qu'ils sont la garantie :

‣ de résistance générale et d'action non spécifique dans le corps humain,
‣ de maintien ou restauration de l'homéostasie,
‣ de ne générer aucun effet indésirable ou toxique après une utilisation prolongée

Nous détaillerons les effets potentiels des adaptogènes primaires dans un prochain article.
Alors que les adaptogènes secondaires peuvent répondre à la plupart des qualifications des adaptogènes primaires, ils n'ont pas encore été étudiés de manière approfondie.

Une autre catégorie est celle des compagnons adaptogènes. Bien que ces types de plantes médicinales aient des fonctions similaires, voire synergiques, à celles des deux précédents types mentionnés ci-dessus, ces plantes ne peuvent pas être formellement appelées adaptogènes étant donné qu’elles ne remplissent pas certaines normes dites traditionnelles.

Actuellement, des études ont confirmé que les plantes suivantes sont de véritables adaptogènes: Panax ginseng CAMey, Schisandra chinensis (Turcz.) Baill., Acanthopanax senticosus (Rupr. Et Maxim.) Harms, Rhodiola crenulata (Hook. F. Et Thoms) SHFu, et Lepidium meyenii Walp.

A l’appui de la base de données de Web of Science, il est frappant qu’un nombre croissant de recherches se sont concentrées sur le sujet des adaptogènes au cours des 20 dernières années, offrant d’intéressantes pistes d’exploration. Les nombreux articles publiés se concentrent sur la direction de la pharmacologie, de la pharmacie, de la biochimie, de la biologie moléculaire, des sciences végétales et de l'agriculture.

Adaptogènes ou toniques ?

Afin d’éviter toute confusion, il est nécessaire de différencier le terme «adaptogène» des autres plantes traditionnelles.
Les toniques (ou stimulants) sont des substances qui atténuent les conditions de faiblesse ou de manque de tonus dans l’ensemble de l’organisme ou d’organes en particulier (Bundesgesundheitsamt 1988; Aschner 1953).

Les toniques sont généralement utilisés pour lutter contre des conditions d’asthénie venant ainsi rehausser la sensation de bien-être général et la capacité de travail (Brekhman, 1968).

Le terme «asthénie» utilisé en médecine traditionnelle décrit un état de santé / une disposition personnelle de faiblesse et de perte de force / énergie. Les symptômes couverts par le terme diffèrent des classifications modernes telles que la CIM-10 chapitre R 53: «Malaise / fatigue, Asthénie SAI» et F48,0 «Neurasthénie».

Contrairement aux stimulants, les adaptogènes sont réputés pour provoquer une capacité de travail accrue et constante, n’étant du moins suivie pas d’une rechute.

Les premières études sur les adaptogènes ont porté principalement sur leurs aptitudes à augmenter la capacité de travail physique chez l'homme (Medvedev, 1963; Dalinger, 1966). Après ces études, les différences caractéristiques entre les effets des adaptogènes et ceux des stimulants du système nerveux central sont d’ailleurs devenues beaucoup plus claires (Fulder, 1980 dans Panossian 2005).

Les stimulants, qui augmentent l'activité du système nerveux sympathique, peuvent produire un sentiment d’euphorie et peuvent être utilisés pour rehausser la vigilance et la capacité de concentration afin d’effectuer des tâches mentales : exemple avec le célèbre café.

D’ailleurs, soit dit en passant, l’utilisation du café dans un tel contexte est peu judicieux. En d’autres termes, nous ne voudrions idéalement pas utiliser le café pour nous stimuler : une réaction d’excitation observée pourrait être plutôt le témoin de l’intervention d’hormones de stress.

Les adaptogènes stimulent le système nerveux par des mécanismes qui sont censés être différents de ceux des stimulants, étant associés à la régulation métabolique de divers éléments du système de stress et de la modulation du couplage stimulus-réponse (Wagner, 1994; Panossian, 1999; Panossian, 2003).

Toutes les graines représentent la future génération de la plante, et la plante y met ses toxines les plus puissantes, son meilleur système de défense face aux animaux. Les enzymes de défense de celle-ci ne vont pas empiéter sur le métabolisme de la plante elle-même, mais viendront faire comprendre au métabolisme de l'animal qui les consommera, qu'il évitera de l'ingérer la prochaine fois.

Cet article visait à retracer les origines du terme « adaptogène » et proposer les différentes définitions établies. Les prochains articles sur le sujet porteront sur les effets plus spécifiques de certaines plantes adaptogènes. Nous tenterons, dans la mesure des études disponibles à l’heure actuelle, de comprendre les mécanismes qui sous-tendent leurs actions.  

Hugo Martinez

co-fondateur du projet résilience
lire plus
Vous pourriez aussi être intéressé…
5 critères essentiels pour choisir son huile d'olive
zélie bourez

L’huile d’olive est un des produits phare des modèles d’alimentation méditerranéenne, et est devenu un emblème culturel du Sud-Est de la France. En supermarché, les prix varient du simple au quintuple (voire plus), et les appellations se ressemblent à tel point qu’on ne sait plus à quelle huile se vouer. Heureusement pour vous, cet article aussi théorique que pratique vous donne tous les points à scruter avant de vous décider.

Riche en fibres, pauvre en résultat ? 
Rémi Masson

Si nous ne voulons pas subir les assauts permanents et les pièges de la vie moderne, mieux vaut utiliser ses capacités de discernement. Comment les renforcer ? Je vous propose le fruit de ma compréhension actuelle.