Projet Résilience. Deux mots, tout comme deux bouffées d’optimisme.
Tout d’abord, projet : comment concevoir même l’idée du projet sans une once d’optimisme pour projeter la réussite des actes que nous entreprenons ? Pourquoi gaspillerions-nous notre énergie, si nous ne croyions pas que ce projet de résilience peut aboutir ?
Ensuite, résilience : être résilient, c’est rebondir, c’est pouvoir affronter de la meilleure manière possible le quotidien, surmonter l’adversité, pour parler en termes stoïciens. C’est “la capacité à se développer quand même, dans des environnements qui auraient dû être délabrants ”(Boris Cyrulnik).
Or, on ne naît pas résilient, on le devient. La résilience s’acquiert à force d’investissements, espoirs optimistes que nous pouvons retrouver les forces pour affronter les épreuves.
Pourtant, ce projet est né en 2020, en pleine crise sanitaire, en plein confinement, alors même que le monde était comme arrêté. Il est né alors que les climatologues sont de plus en plus alarmistes sur le climat, alors que les professionnels de santé montrent les courbes des maladies qui ne font qu’augmenter, alors que les putschs militaires existent encore.
Ne serions-nous pas, plutôt qu’optimistes, simplement naïfs ? Est-il possible de trouver la force d’espérer à un avenir meilleur une fois tous ces faits donnés ? Cette question, nous nous la sommes plusieurs fois posée. Et, chacune de nos réflexions sur le sujet nous a confortés dans l’idée que nous appartenons plutôt aux optimistes qu’aux naïfs.
Cet article est un petit résumé du fil de notre pensée.
L’optimisme, c’est quoi ?
Philippe Gabilliet, auteur de l'Éloge de l’Optimisme, offre une définition limpide : “l'optimisme, c'est d'abord être fondamentalement confiant.” Cette définition semble rejoindre celle de la naïveté, d’autant plus que l’optimisme est souvent relié à la bonne humeur, et donc à une certaine légèreté.
Dans ce même livre, on trouve aussi : “c'est face à l’incertain, imaginer une issue favorable et tout faire pour la favoriser.” On entrevoit ici l’image du pari pascalien : face à des situations que l’on ne peut pas déterminer à l’avance, nous pouvons parier entre un avenir meilleur ou un avenir qui se dégrade, mais l’avenir meilleur prend le pas.
Ces deux citations offrent deux visions distinctes de l’origine de l’optimisme chez les personnes.
Dans la première phrase, l’optimisme semble être ancré dans notre nature, inné : on est confiant, c’est comme ça, on ne peut pas faire autrement. Dans ce même livre, on trouve l’étymologie de l’enthousiasme, qui signifie en grec “dans le souffle du divin, de la transcendance”. Ce souffle nous traverse, nous, êtres passifs qui avons simplement à être nous-mêmes pour voir le positif et le bon pour l’avenir.
Au contraire, dans la deuxième phrase, nous jouons un rôle très actif : nous imaginons, et nous faisons. L’optimisme est acquis.
Alors, nous rejoignons plutôt la conception que Luc Simonet, fondateur de la Ligue des optimistes du Royaume de Belgique, se fait de l’optimisme : “L'optimisme relève d'une décision, d’une décision et d’une discipline. Au fond l'idée, c'est de dire :
« Je suis le maître de chacune de mes pensées et si je suis le maître de chacune de mes pensées, je suis donc un homme libre et j’ai aussi une grande responsabilité. Responsabilité sur ma vie, sur mon bonheur, responsabilité sur le monde. »
Cette pensée fait écho à la réponse de Sartre aux critiques qui lui avaient été faites sur sa doctrine philosophique, l’existentialisme : selon ses détracteurs, cette pensée était profondément pessimiste. Au contraire, Sartre répond, dans L’Existentialisme est un humanisme :
“il n’y a pas de doctrine plus optimiste, puisque le destin de l’homme est en lui-même [...] ; il n’y a d’espoir que dans son action, et la seule chose qui permet à l’homme de vivre, c’est l’acte”.
Percevoir cette liberté d’action et cette responsabilité comme une puissance et non comme un écrasement existentiel est inné chez certain, mais pas chez d’autres : c'est alors véritablement quelque chose que l'on doit travailler au jour le jour.
“Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est volonté” Alain
Être optimiste par altruisme
Nous ne cessons pas de le rappeler, mais cette idée est fondamentale : nous vivons en société. Nous sommes en contact avec d’autres êtres humains, et il est impossible de les occulter, et de considérer que nos actions n’auront aucun impact sur les personnes (et même plus généralement les êtres vivants) qui nous entourent.
Plus encore, nous avons besoin des autres, et les autres ont besoin de nous, ne serait-ce que pour obtenir un soutien psychologique. Or, quoi de mieux qu’être optimiste pour influencer les autres ? Nous donnons ainsi envie aux autres d’agir, notre énergie les entraîne (nous sommes des radiators), quand les mauvaises ondes des pessimistes les plombent (on les appelle les drains).
Suzanne Bissonnette écrivait « l'optimisme c'est l'incarnation humaine du printemps ». Et de fait, en ce qui concerne les saisons, le printemps est synonyme de renouveau, de reprise en main (en avant les grands nettoyages de printemps), d’espoir, de joie de vivre ! Au contraire, l’automne, aussi poétique soit-elle, est plutôt morose : reprise des études ou du travail, raccourcissement des jours et chute des feuilles sont les tristes annonciateurs de l’automne.
L’énergie des personnes nous renforce, et nous fait rentrer dans un cercle vertueux, qui permet non seulement d’aider l’autre, mais de nous aider nous-mêmes ! S'optimiser soi-même, c'est peut-être donc aller optimiser l'autre, de même que réduire sa propre anxiété va passer par l’accompagnement d’autrui dans la réduction et la lutte contre ses propres démons.
Même la chance, par essence même imprévue, peut devenir plus probable. D’abord, en se rendant à même de percevoir et de chercher les opportunités qui s’offrent à nous. Ensuite, en apportant de la chance aux autres.
La meilleure manière d'avoir de l'opportunité de manière systémique, c'est d’essayer de tout faire pour en être une soi-même.
Point bonus : ce concentré d’énergies positives permet de travailler en coopération, et non pas dans la concurrence, comme pourraient le faire les pessimistes. La concurrence pessimiste est fondée sur la peur du manque et le manque de confiance en soi, tandis que les optimistes croient en l’abondance pour tout le monde.
Faut-il rejeter tout le pessimisme en nous ?
L’optimisme ne s’oppose pas fondamentalement au pessimisme, quand bien même la plupart des dictionnaires pourraient nous le faire penser. L’optimisme pourrait plutôt s’opposer au scepticisme, à la morosité ou au cynisme.
Petit apparté philo : le cynisme était auparavant une école philosophique grecque dont un des plus célèbres représentants était Diogène de Synope (aussi appelé Diogène le Cynique). Il est intéressant de noter que les valeurs de cette école avaient pour certaines des connotations plus optimistes que pessimistes : souci de se rapprocher de la nature, quête de la liberté, de l’autosuffisance, de l’humilité, de la vertu et de la sagesse.
Nous avons tous en nous une part de pessimisme. Elle est seulement plus ou moins développée selon les individus. Et si elle existe, c’est peut-être qu’elle peut servir ! Le tout est de savoir comment s’en servir.
Imaginer une issue défavorable, un échec, une chute, peut tout autant être bénéfique que d’imaginer une issue favorable, puisque cela oblige à concevoir des plans de secours, des plans B, des solutions aux problèmes envisagés.
Là est la clé d’articulation entre pessimisme et optimisme : pour imaginer ces solutions, il faut être optimiste ! Voici donc la différence entre le pessimisme de chemin, qui pousse à chercher des solutions, et le pessimisme de but, qui mène à l’inaction.
Vers un réalisme optimiste
Vous le savez, nous prêchons souvent le réalisme optimiste. Il faut être réaliste : nous n'avons pas les capacités de changer le monde. Prenons l’exemple de l’écologie.
Si tous les français changeaient leurs habitudes, réduisaient leurs déchets, abandonnaient leurs voitures, mangeaient moins de viande industrielle… Notre impact total ne serait réduit que de 5 à 20%. Le reste des émissions de gaz à effet de serre et des autres pollutions (que nous abordons notamment dans une interview de @tommolittlewood dans le module 5 de notre formation consacré à la respiration) est causé par l’industrie.
Deux réactions sont envisageables face à cette information : on peut adopter un point de vue pessimiste, aquoiboniste, comme dirait Gainsbourg, et penser que finalement, à quoi bon faire des efforts, si l’impact est si faible. Autant conserver les mêmes habitudes, et après nous le déluge.
On peut également apporter de l'optimisme dans le monde pour que le monde se change : prendre en compte tous les paramètres (réalisme), et se dire qu’au final, même si nous ne changeons pas le monde seuls, nous pouvons tout de même avoir un impact, aussi négligeable qu’il soit, et que faire bouger ne serait-ce que de 0,1% les choses vers le positif, c’est mieux que de ne rien faire, voire même de les aggraver.
Comme dit Boris Cyrulnik :
« le pessimisme ou l’optimisme n’ont rien à voir avec la réalité, ils sont fonction de la représentation que l’on se fait du réel ».
Plus que la représentation, nous dirions même l’interprétation que nous nous en faisons.
Voici donc en quoi l’optimisme se distingue de la naïveté : être naïf, c’est être confiant et simple par ignorance, par inexpérience.
Or, les efforts que nous faisons pour favoriser une meilleure issue à l’incertain, à l’avenir, nécessitent de rechercher, d’apprendre, de comprendre les enjeux qui entourent l’avenir, qui le mettent en doute. Nous sommes confiants et optimistes justement parce que nous avons pu nous renseigner sur toutes les actions que nous pouvions mener pour rendre cet incertain meilleur.
Attention, être optimiste n’est pas pour autant être positiviste ! Quand bien même ces deux mots semblent avoir une signification proche, il n’en est rien ! Le positivisme est une doctrine philosophique fondée et représentée notamment par Auguste Comte, selon qui la science permet d’arriver à une connaissance absolue, et qui combat la métaphysique.
Parfois, notre comportement a pour explication un “entre-deux” de ces deux précédentes idées : nous ne sommes pas forcément nés optimistes ou pessimistes, mais notre éducation et les événements de notre passé nous ont conduit à devenir plutôt pessimistes qu’optimistes : c’est ce qu’on appelle en anglais learned helplessness.
Conclusion :
Être optimiste, ce n’est pas se voiler la face sur la réalité des choses, ce n’est pas non plus se conforter dans son ignorance pour se déresponsabiliser, ni même être de bonne humeur nuit et jour. C’est faire un choix responsable, en toute connaissance de cause, de croire en une issue favorable, pour soi et pour les autres. C’est utiliser la part de pessimisme en nous pour utiliser toutes nos capacités de discernement sans pour autant qu’elle nous submerge.
C’est dire, pour reprendre l’idée de Nietzsche, oui à la vie.
« § 276. Pour la nouvelle année. - Je vis encore, je pense encore : je dois vivre encore, car je dois encore penser. Sum, ergo cogito : cogito : ergo sum. Aujourd’hui, chacun ose exprimer son vœu et sa pensée la plus chère : soit ! Je veux donc dire moi aussi ce qu'aujourd'hui je me souhaitais à moi-même et quelle pensée a cette année été la première à traverser mon cœur – quelle pensée doit être le fondement, la garantie et la douceur de toute pensée à venir ! Je veux toujours plus apprendre à voir la nécessité dans les choses comme le beau – ainsi serai-je l'un de ceux qui rendent belles les choses. Amor fati : que cela soit à présent mon amour ! Je ne veux mener aucune guerre contre le laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux pas même accuser les accusateurs. Que détourner le regard soit mon unique négation ! Et, en tout et pour tout, et en grand : je veux, en n'importe quelle circonstance, n'être rien d'autre que quelqu'un qui dit oui. » — Le Gai Savoir