Qu’appelle-t-on par vinaigre ?
La dénomination "vinaigre" est réservée au produit obtenu exclusivement par le procédé biologique de la double fermentation, alcoolique et acétique, de denrées et boissons d'origine agricole ou de leurs dilutions aqueuses (Décret n°88-1207 du 30 décembre 1988 relatif aux vinaigres).
En soi, tout produit contenant du sucre peut produire de l’alcool, et donc du vinaigre. Voilà donc pourquoi on retrouve une très grande variété de vinaigres, aux saveurs très différentes.
Pour obtenir du vinaigre, on peut donc partir d’une boisson non alcoolisée riche en glucides, qui va être fermentée une première fois (c’est la fermentation alcoolique), puis fermentée une deuxième fois grâce aux acétobacters : ces bactéries produisent une grande quantité d’acide acétique en se nourrissant des glucides présents dans l’alcool.
Ce processus se nomme l’acescence. Plus le temps passe, plus les bactéries produisent d’acide acétique, et donc plus le degré d’acidité sera important. Selon le décret cité précédemment, le degré d’acidité minimum pour un vinaigre est de 6% (5% pour le vinaigre de vin).
Note : il ne reste quasiment aucune trace d’alcool dans le vinaigre, n’essayez pas de fêter votre anniversaire au vinaigre de vin, cela ne marchera pas.
Alors qu’à l’origine, ce principe d’acescence était très long (les bactéries devaient se développer naturellement, sans aucun ajout), il est aujourd’hui fortement accéléré grâce à l’ensemencement volontaire de ces bactéries : on est passé d’une fermentation d’une durée d’un mois à une durée de 24 heures !
C’est en soi le même phénomène qui s’est passé pour le pain, entre le levain et la levure de boulanger.
Les additifs du vinaigre
Il est aujourd’hui très fréquent de trouver des vinaigres contenant des sulfites. De fait, les alcools qui servent à l’élaboration du vinaigre en contiennent eux-mêmes. Cependant, certains industriels en ajoutent encore pour que le produit se conserve mieux.
Sur les étiquettes, ce sont le disulfite de potassium, le dioxyde de soufre, le sulfite de sodium, et finalement tous les additifs entre le E220 et le E228. Leur mention est obligatoire dès lors qu’ils sont présents à plus de 10 mg/L.
De plus, information à noter, tous les vinaigres ne sont pas végétaliens : certains alcools à la base du vinaigres sont “collés” grâce à l’albumine des œufs ou grâce à de la caséine de lait. Ce processus consiste à clarifier les liquides en fin de fermentation pour éliminer les résidus organiques en suspension dans les cuves ou les barriques.
Enfin, les colorants sont interdits, à l’exception du caramel (E150 ou E150d), très souvent utilisé pour le vinaigre balsamique.
Les différentes sortes de vinaigre
Quand bien même il existe une grande variété de vinaigre, le processus de fabrication est le même : il nécessite une certaine quantité d’acétobacters et de sucres pour qu’apparaisse l’acide acétique. Seules les matières premières vont alors changer.
Le vinaigre de vin : vinaigre fabriqué à partir de vin. La limite de sa teneur en alcool résiduelle est un peu plus élevée que les autres vins, soit 1,5% ou lieu de 0,5%.
Le vinaigre de cidre : il est obtenu à partir de jus de pommes, fermenté en cidre puis en vinaigre.
Le vinaigre balsamique : traditionnellement fabriqué avec du moût de raisin uniquement, il est aujourd’hui très généralement composé de plus de 60% de vinaigre de vin basique auquel on rajoute un peu de moût de raisin et du caramel (E150) pour la couleur et la texture. Il bénéficie de deux AOP : “Aceto balsamico tradizionale di Modena” et “Aceto balsamico tradizionale di Reggio Emilia” et une IGP : “Aceto balsamico de Modena” (voir plus bas pour la description des labels)
Le vinaigre de Xérès : vinaigre de vin d’origine espagnole. Il bénéficie d’ailleurs d’une AOP : “Vinagre de Jerez”.
Les obligations principales de ce label sont :
- une fabrication à partir des cépages Pedro Ximénez ou Moscatel ,
- vieillissement en fût de chêne d’au moins 6 mois pour le vinaigre le plus simple (2 ans pour le Reserva, et 10 ans pour le Gran Reserva)
- Teneur en acide acétique d’au minimum 60 g/L
ATTENTION, subtilité du décret concernant les vinaigres :
Article 7 : L'étiquetage des vinaigres peut comporter le nom d'une appellation d'origine lorsque la matière première utilisée a droit à cette appellation
En d’autres termes, vous pouvez voir un label sur une bouteille de vinaigre, mais pourtant y trouver des additifs, parce que le vinaigre utilisé en tant que matière première est labellisé...
Le vinaigre d'alcool : il est obtenu à partir d’alcool de betterave ou de maïs. On peut le retrouver sous le nom de vinaigre blanc, vinaigre cristal ou vinaigre ménager, mais il s’agit en fait du même produit : seul le degré d’acidité change.
On peut trouver des degrés d’acidité entre 5% et 14%. Un entre deux de 8% est intéressant pour avoir un vinaigre blanc vrimaent polyvalent, surtout dans le cadre des tâches ménagères. Méfiez-vous d’ailleurs des marques qui vous vendent très cher un vinaigre qui a, au final, des propriétés similaires à celle d’un vinaigre blanc somme tout très basique.
Le vinaigre de riz : obtenu à partir d’un vin de riz. Le vin de riz est un terme assez générique, et renvoie à une quantité assez importante d’alcools, élaborés avec des procédés tels que :
- la macération : des fruits sont plongés dans de l’alcool (généralement du saké) pendant plusieurs mois. On peut citer l’umeshu ou le sombai.
- la fermentation : du riz est cuit à la vapeur, puis saccharifié et fermenté par des moisissures appelées koji-kin. Le résultat de cette fermentation est appelé koji. Une autre étape de fermentation est effectuée en parallèle et donne le shubo. La dernière étape consiste à mélanger de l’eau de cuisson du riz, le koji, le shubo et le riz pour obtenir un moût, qui servira de base pour la fermentation des acétobacters. Ces processus sont très longs, et résumés ici dans un simple but d’explication claire. On peut nommer parmi ces alcools le saké, le mirin ou le sato. Tous ont des processus de fabrication différents.
- - la distillation : le moût obtenu d’une manière assez proche de celle de la fermentation est chauffé pour séparer l’alcool de l’eau.
Vigilance tout de même pour ce vinaigre, souvent à base de riz complet : étant élaboré en partie avec de l’eau de cuisson de riz, il peut contenir une quantité non-négligeable d’arsenic.
Le vinaigre de fruits : peuvent renvoyer à trois sortes de vinaigres de qualité très différentes :
- les vinaigres obtenus à base des jus de fruits, très rares, mais très goûteux.
- les vinaigres élaborés à partir de vinaigre de céréales (comme le vinaigre de riz) ou de vin, dans lesquels on incorpore de la purée de fruits, ou dans lesquels on fait macérer des fruits à l’intérieur.
- les vinaigres aromatisés aux fruits qui, comme leur nom l’indiquent, ne contiennent parfois même pas de vrais fruits, et seulement des arômes
Le vinaigre de miel : du miel est d’abord fermenté pour obtenir un alcool, l'hydromel, qui sera fermenté une seconde fois pour finalement avoir du vinaigre de miel.
Note : il existe deux autres AOP espagnoles pour le vinaigre, le “Vinagre de Montilla-Moriles” et le “Vinagre del Condado de Huelva” mais il est beaucoup plus rare de les trouver en France, ou en tout cas dans les enseignes de consommation traditionnelles.
Zoom sur …. Le vinaigre balsamique de Modène
Le VRAI vinaigre balsamique est originaire de la ville de Modène, en Italie, et bénéficie de deux AOP et d’une IGP. Son taux minimal d’acidité est de 4,5%, contrairement aux autres vinaigres.
Le vinaigre balsamique est une vraie institution en Italie, et représentait même la dot des jeunes filles à une certaine époque. La première mention de ce vinaigre remonte à 1046, année durant laquelle une bouteille de vinaigre balsamique est offerte au roi Henri III.
Ces deux labels ont des cahiers des charges très différents, et l’IGP est bien moins exigeante que l’AOP. Malheureusement, il est très difficile de trouver des vinaigres labellisés AOP dans les magasins traditionnels.
Pour l’AOP, le seul ingrédient autorisé est le moût de raisin, de cépages Trebbiano, Lambrusco, Ancellotta, Sauvignon, Scavetta, Spergola, Marzemino, et/ou Coltivati. La culture et le lieu de la fermentation doivent se situer dans la région de l’Emilie-Romagne.
Ces vinaigres d’exception sont pour la plupart fermentés pendant plus de douze ans (entre 12 et 50 ans). Plus le temps de fermentation est long, plus son coût sera élevé : on le surnomme même l’or noir de Modène. De fait, une bouteille de 100 mL de vinaigre AOP de 12 ans d’âge (donc le minimum) coûte au minimum 50 €.
L’IGP, quant à elle, exige uniquement que la fabrication du vin ait lieu dans cette même ville de Modène (ou en tout cas dans sa périphérie…). Il est donc possible de trouver un vinaigre balsamique IGP, mais qui ne contient que 20% de moût de raisin cuit et/ou concentré (le minimum autorisé), où le reste de la préparation est constitué de vinaigre de vin basique, d’un vinaigre qui a plus de 10 ans de fermentation (10% du produit) et de caramel pour la texture et la couleur (au maximum 2%).
Les deux labels garantissent au moins l’interdiction d’autres additifs, qui peuvent être ajoutés dans les vinaigres qui ne bénéficient d’aucune appellation. Méfiez-vous surtout des crèmes balsamiques, dans lesquelles les industriels peuvent rajouter bien plus d’auxiliaires technologiques (amidon de maïs, gomme xanthane, amidon modifié), puisque le produit n’a pas besoin d’obtenir la dénomination “vinaigre”.
Les vinaigres de vin d'Orléans :
Leur histoire commence au XVe siècle, lorsque les métiers d’apothicaires et de vinaigriers se sont différenciés.
A cette époque, la Loire est le port fluvial le plus conséquent et rapide pour acheminer les denrées jusqu’à Paris. En plus des vins produits sur place, le port reçoit bon nombre de vins de France. Le temps et les conditions d’acheminement des vins les font régulièrement piquer. Alors, les vinaigriers installés Faubourg Bannier les récupèrent alors pour poursuivre leur fermentation afin d’obtenir le vinaigre.
Fun fact : déjà au XVIIe siècle, des falsifications avaient lieu, en remplissant des barils orléanais de vinaigres provenant des Pays-Bas.
Le goût de ces vins aigres étonne et certains tentent de comprendre les mécanismes de transformation des vins. Louis Pasteur viendra même étudier ce phénomène, et découvrira que la présence d’oxygène peut accélérer de 5 à 10 fois le processus.
Dès lors, une industrie commence à se développer : on a pu compter 300 maisons vinaigrières à Orléans ! Près de 80% des vins français y étaient alors produits. Aujourd’hui, seule une seule demeure active : la maison Martin Pouret, qui conserve les méthodes traditionnelles d’élaboration de vinaigre.
Laissons Louis Pasteur lui-même décrire le processus traditionnel d’Orléans :
Pourtant, tous se sont basés sur les travers de leurs sociétés : Thomas More, dans Utopia (c’est lui qui a inventé le nom d’utopie) critique vigoureusement le système anglais du XVIe siècle et notamment les enclosures : de riches seigneurs se réapproprient des terres afin d’élever des moutons, terres cultivées par des familles pour subsister, les plongeant alors dans la misère.
“Rien de plus simple que la disposition d'une vinaigrerie d'Orléans. Elle consiste essentiellement dans des rangées de tonneaux superposés, portant sur le fond vertical antérieur une ouverture circulaire de quelques centimètres de diamètre et un trou plus petit voisin, dit fausset, pour la sortie ou la rentrée de l'air quand la grande ouverture est bouchée par l'entonnoir à l'aide duquel on introduit le vin, ou par le siphon qui sert à retirer le vinaigre. Les tonneaux sont de la capacité de 230 litres, pleins à moitié. Le travail de main-d'œuvre consiste à entretenir dans la vinaigrerie une température convenable et à retirer tous les huit jours environ 8 à 10 litres de vinaigre que l'on remplace par 8 à 10 litres de vin.” — Leçon sur le vinaigre de vin, professé à Orléans
Pour en savoir plus sur cette histoire, vous pouvez consulter gratuitement sur la bibliothèque numérique Gallica de la Bibliothèque Nationale de France les Mémoires de la Société d’Agriculture, sciences, belles-lettres et arts d’Orléans.
Comment l’utiliser :
Le vinaigre est souvent utilisé dans l’alimentation pour assaisonner des plats froids, mais ses utilisations sont bien plus étendues !
Le vinaigre blanc est évidemment un allié pour le ménage : c’est bien simple, il fait partie de la majorité des produits DIY économique, que ce soit pour laver ses fenêtres, adoucir son linge, déboucher ses canalisations ou nettoyer son sol.
Niveau beauté, c’est le vinaigre de cidre qui remporte le duel : on peut en faire un shampoing d’appoint avec du bicarbonate de soude, un lotion contre les boutons, un vinaigre de toilette pour le quotidien, l’utiliser en dernière eau de rinçage pour rendre ses cheveux brillants…
Il est également possible de trouver dans les magasins biologiques ou spécialisés du vinaigre des 4 voleurs. Une fable raconte que lors d’une épidémie de peste (la date est floue), quatre bandits auraient été arrêtés alors qu’ils pillaient des cadavres. Ils auraient eu la vie sauve en dévoilant leur secret pour ne pas attraper cette peste : leur vinaigre.
Il s’agit en fait de vinaigre de cidre dans lequel des plantes aromatiques ont macéré. Les utilisations sont les mêmes que pour un vinaigre de cidre basique, les plantes apporteront une efficacité supplémentaire.
Vous pouvez aussi l’utiliser, comme Ilénia @coachmoix, en cas de troubles digestifs ou en prévention avant un gros repas.
Les vinaigres de vin d'Orléans :
Le vinaigre est un produit passe-partout et économique. Le choix parmi les différentes sortes de vinaigre se fera selon vos goûts. Cependant, gardez en tête qu’un vinaigre biologique et non pasteurisé sera idéal si vous pouvez vous le permettre.
Si vous vous tournez vers un produit non-biologique, prenez simplement garde aux sulfites et aux additifs ajoutés, qui ne sont vraiment pas nécessaires dans un vinaigre.
Note : les vinaigres biologiques peuvent contenir des sulfites et des additifs, mais ces ajouts sont bien plus rares.
Vous pouvez trouver ici une sélection de vinaigres aux ingrédients quasi irréprochables :
- vinaigre de vin
- vinaigre de cidre
- vinaigre de Xérès
- vinaigre balsamique (il contient des sulfites, mais uniquement ceux présents dans le vin utilisé). Pour une version moins chère et facile à trouver, vous pouvez aller vers celui-ci.
En ce qui concerne le vinaigre blanc, les versions les moins chères sont très convenables, vous pouvez géénralement les acheter sans problème.