L’économie de l’attention : comment les médias gagnent de l’argent sur notre dos

Introduction

Le développement des médias, et particulièrement des médias sociaux, a permis la diffusion de l’information, donnant ainsi accès à tout un chacun et d’apprendre et de communiquer une information. Pour preuve, ce chiffre étonnant : 90% des informations disponibles auraient été créées ces dix dernières années. Attention, pas les savoirs, mais bien les informations, qu’il s’agisse des horaires d’ouverture d’un magasin à la structure de l’ADN.

Les publicitaires jusqu’alors présents uniquement sur les médias traditionnels, comme la télévision, la radio, ou la presse, se sont emparés de cette opportunité pour créer toujours plus de bénéfices. L’économie de l’attention s’est développée.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ?

Notre attention est devenue un bien marchand, vendue à des entreprises publicitaires par les réseaux sociaux et autres sites médiatiques. Ce phénomène n’est pas nouveau : Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, parlait en 2004 de “vendre du temps de cerveau disponible à Coca-Cola”. Le caractère exceptionnel vient du fait de l’omniprésence et de l’abondance d’informations qui nous submergent. Alors que notre temps de cerveau n’était pris en otage que deux ou trois heures par jour, le soir, en regardant la télévision par exemple, aujourd’hui, via les smartphones, quasiment greffés à notre main, et leurs notifications, nous sommes sollicités en permanence. Tant est si bien qu’une nouvelle sorte d’anxiété sociale, le FOMO (fear of missing out) est apparue :  c’est le fait d’avoir peur de rater une nouvelle, de ne pas suivre l’actualité.

“Les entreprises médiatiques donnent au public un accès libre et gratuit à des services et plateformes, les laissent en produire le contenu et accumulent de ce fait de grandes masses de prosumers, qui peuvent alors être vendus comme une marchandise à ces tiers que sont les annonceurs et les publicitaires. Il ne s’agit plus de vendre un produit à des utilisateurs, mais de vendre des utilisateurs à des annonceurs. Plus il y a d’utilisateurs sur une plateforme, plus élevés sont les revenus qu’on peut tirer de la publicité” — Christian Fuchs

Le terme prosumer, prosommateur en français, efface la limite entre le producteur et le consommateur : nous produisons contre notre gré, sans être rémunérés, tout en croyant uniquement consommer. Nos données sont récupérées, analysées puis utilisées afin de nous faire consommer plus, en nous proposant des produits que nous avons déjà cherché, en glissant dans notre feed des sujets qui nous intéressent… Tout comme les animaux d’élevage, dont les habitudes sont chronométrées à la minute près afin d’établir leur “budget temps”.

Qu’est-ce que l’économie de l’attention ?

Afin de conserver notre attention le plus longtemps possible sur leur site internet, les journalistes, parfois contre leur gré, écrivent de plus en plus vite leurs articles (en un maximum de six heures) ou pratiquent même le copier-coller, pour être au cœur de l’action. Ils scrutent également les réseaux sociaux, afin de ne manquer aucune nouvelle croustillante pouvant créer le buzz ou un maximum de repartages, et donc d’attention.

L’idée est d’écrire des articles qui provoquent des émotions, positives ou non : sur Twitter, c’est la colère qui remporte les suffrages des repartages. Des baromètres mesurant en permanence les mots-clés suscitant le plus de réaction sont disponibles, afin, encore une fois, de répondre à la “demande”. D’après Gérald Bronner, notre période correspondrait même au point d’équilibre entre les offres et les demandes d’informations, révélant ainsi quels sujets nous intéressent le plus (et nos travers cachés).

On parle de journalisme jaune, journalisme sensationnel, de piètres qualité, qui privilégie la quantité à la qualité de l’information. Cette expression a été créée à la fin du XIXe siècle, lorsque deux journaux au papier jaune, d’un côté le New York Journal de William Randolph Hearst, et de l’autre le New York World de Joseph Pullitzer, se disputaient les ventes, et tentaient de baisser leur prix au maximum, et donc la qualité et du papier, et des informations.

Quels sont les problèmes ?

Il est de plus en plus compliqué, parmi ce flot d’informations, de distinguer le vrai du faux ;  l’information de la simple communication/opinion. Voir notre post instagram : Vous ne savez plus quoi manger ? On vous comprend ! Ou même notre article sur le discernement.

Faits et opinions sont liés, mais doivent être distingués :

“Les faits et les opinions, bien que l’on doive les distinguer, ne s’opposent pas les uns aux autres, ils appartiennent au même domaine. Les faits sont la matière des opinions, et les opinions, inspirées par différents intérêts et différentes passions, peuvent différer largement et demeurer légitimes aussi longtemps qu’elles respectent la vérité de faits. La liberté d'opinion est une farce si l’information sur les faits n’est pas garantie, et si ce ne sont pas les faits eux-mêmes qui font l’objet du débat.” — Hannah Arendt, La Crise de la Culture
"Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances" — Marcel Proust ⠀

Nous perdons alors du temps, soit à lire des informations qui ne nous apportent aucun savoir, soit à tenter de trouver, justement, des bonnes informations. Ce temps est d’autant plus long que les algorithmes des moteurs de recherches ou des médias sociaux masquent la plupart des faits (95% des utilisateurs médias ont accès à 0,03% de l’information). Grâce à la réduction du temps de travail, aux vacances, aux progrès techniques, nous disposons de plus de temps libre (il a été multiplié par 5 depuis 1900), et pourtant, nous avons toujours l’impression de courir après le temps !

Pensons également aux journalistes qui se retrouvent eux-mêmes pris dans cet engrenage capitaliste du profit, et qui perdent, pour les passionnés, le goût et le sens dans leur emploi, comme une nouvelle aliénation causée par parcellisation du travail de rédaction (par exemple, celui qui rédige un article ne choisit même pas le titre !) et de la pression du rendement.

Que peut-on faire à notre échelle ?

Aux grands maux les grands remèdes, dit l’expression. Réduire son temps passé sur les réseaux sociaux est une solution facile à mettre en place et très efficace.

Pour ce qui est de la gestion des autres médias, soyons plus modérés et pragmatiques : l’idée générale est d’apprendre à bien les utiliser, tout comme les informations qui y sont véhiculées. On peut jouer sur trois axes (similaires à la santé physique) :

1. L’exercice (de son esprit critique),

2 L’alimentation (choisir les bons médias, mais aussi les bons aliments pour faire fonctionner notre cerveau !)

3) Le repos (limiter son temps sur les médias, et prendre son temps)

Commençons par l’exercice : peut-on réellement travailler notre esprit critique, le renforcer ? Bien sûr ! C’est possible, et même souhaitable. L’esprit critique est si important que l’OMS l’a classé parmi les dix compétences psychosociales indispensables pour “répondre aux exigences et aux épreuves de la vie quotidienne” !

Évidemment, l’idée n’est pas, comme Descartes l’a fait, de rejeter toute idée qui pourrait être susceptible d’être faussée ou de nous tromper, et qu’on ne peut pas nous-mêmes prouver. Il existe des myriades de sujets sur lesquels nous sommes obligés de croire des personnes, puisqu’avec la quantité de savoirs et de sciences, il est tout bonnement impossible de tout savoir.

L’idée n’est pas non plus de rejeter toutes nos opinions, expériences personnelles et intuitions, qui s’avèrent fortement utiles, notamment dans le domaine moral : je vais aller aider une personne que je considère comme étant en danger sans avoir besoin de me prouver par A + B que cette personne a effectivement besoin d’aide, mais simplement parce que je ressens que je “dois” le faire.

L’important est de savoir QUI croire, et COMMENT chercher les informations et de garder en tête qu’une information, puisqu’elle est elle-même intelligée par une personne avant nous, ne sera pas entièrement objective :

“Existe-t-il aucun fait qui soit indépendant de l'opinion, de l’interprétation ? Des générations d’historiens et de philosophes de l’histoire n’ont-elles pas démontré l’impossibilité de constater des faits sans les interpréter, puisque ceux-ci doivent d’abord être extraits d’un chaos de purs événements et les principes du choix ne sont assurément pas des données de fait, puis arrangés dans une histoire qui ne peut être racontée que dans une certaine perspective, qui n’a rien à voir avec ce qui a eu lieu à l’origine.” — Hannah Arendt, La Crise de la Culture

Voici un schéma du ministère de l’éducation nationale qui semble assez complet en ce qui concerne toutes les composantes de l’esprit critique. Et puis, comme dirait Kant, Sapere aude !

Passons désormais à l’alimentation.

Pour ce qui est de l’alimentation du cerveau, elle n’est pas spécifique, mais entre plutôt dans un contexte global qui permet de faire fonctionner efficacement son métabolisme. Notons tout de même que le cerveau est un très grand consommateur de glucose (5g/h). Pour plus d’informations, nous vous conseillons de vous diriger vers la formation Cultiver sa Résilience.

Pour l’alimentation médiatique, nous pourrions donner trois conseils globaux :

1. Vérifier et diversifier ses sources

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump en 2016 a entraîné l’invention du terme “fake news”, soit des informations mensongères fabriquées par des individus, des mouvements ou des puissances étrangères. Soyons d’accord, ce n’est évidemment pas lui qui a commencé à diffuser de fausses informations. Le caractère inédit de la situation est l’utilisation des réseaux sociaux, et notamment Twitter pour diffuser ces fausses informations, qui sont relayées 6 fois plus vite que les informations véritables (car, encore une fois, suscitant plus d’émotions). Notons également la quantité de ces fake news : en 4 ans, d’après le Washington Post, Trump aurait prononcé 30 573 fake news. Il est donc essentiel de s’assurer de ne pas tomber dans le piège des fausses informations.

Petit moment poésie, de Constantin Cavafis qui, dans En attendant les barbares et autres poèmes, rappelle qu’en 31 av J-C, Antoine, ayant perdu la bataille d’Actium contre Octave, occulte sa défaite au peuple sous les conseils de Cléopâtre :

De sa lointaine bourgade de banlieue,
et encore tout poussiéreux du voyage,
le marchand ambulant vient d’arriver. Et « Encens ! » et « Gomme arabique ! »
« Huile de premier choix ! » « Pommade pour les cheveux ! »
crie-t-il par les rues. Mais avec tout ce vacarme,
et les musiques et les défilés, pas moyen de se faire entendre.
La foule le bouscule, l’entraîne, le renverse.
Et quand enfin tout éberlué, Quelle est cette folie ? demande-t-il,
quelqu’un lui jette à lui aussi l’énorme mensonge
du palais – qu’en Grèce, Antoine a remporté la victoire.

Pour ce faire, il est important de ne pas se limiter à un seul article, et à un seul point de vue, quand bien même on est persuadés (et même convaincus) qu’il s’agit du “bon”. Lire les arguments opposés peut au moins permettre de nuancer son propos si besoin, et même de voir s’il n’y a justement pas eu d’erreur ou d’adaptation des faits.

2. Vérifier s’il n’existe pas d’importants conflits d’intérêts

Il n’est pas nécessaire de rejeter toute information produite par une personne aux forts conflits d’intérêts, mais plutôt d’être encore plus rigoureux quant à la vérification des données fournies.

3. Les articles de presse

On peut, tout comme pour les études, établir un classement pour la probable véracité des informations :

Article d’opinion < Témoignage < Avis d’un seul expert < Articles scientifiques < Rapports officiels < Articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture

Enfin, le repos. Nietzsche disait : “L’homme pressé manifeste une forme de paresse”. Vouloir se précipiter peut être délétère pour une compréhension complète du sujet et de ses enjeux.

Un dialogue dynamique s’opère dans notre cerveau entre les réseaux neuronaux conscients et inconscients. Lorsqu’une information ou un problème arrive à nous, notre cerveau “cartésien” va travailler pendant un certain temps, période qui sera suivie par une autre “d’incubation”, de travail inconscient, pendant lequel des connexions vont s’opérer entre toutes nos expériences et connaissances acquises. Ces liens reviendront ensuite à notre conscience.

Il peut donc être intéressant de faire volontairement des pauses, de penser à autre chose, sortir marcher, faire un somme, manger un bout puis retourner au sujet de nos recherches…  

Thomas Edison, inventeur des ampoules à incandescence (cf module 4 consacré à la lumière) alternait des périodes de travail avec des courtes siestes. Il tenait dans sa main deux balles qui, lorsque ses muscles commençaient à se relâcher, tombaient et le réveillaient. Il notait directement les idées qui lui venaient alors pour ne pas les oublier.

Finalement, on pourrait donner, tout comme la règle des 3D pour la digestion des aliments (digeste, dense énergétiquement et dense nutritionnellement), trois termes pour la bonne digestion de l’information : diversification, détail, distance !

• La fréquence de consommation s’adapte en fonction de chacun. Les buveurs réguliers de café seront moins susceptibles de percevoir une réaction de stress que les consommateurs occasionnels.

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Zélie Bourez

Rédactrice
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